mercredi 3 janvier 2018

Histoire des mathématiques (4) : Algorismus, le traducteur le plus connu de l'histoire des maths

Algorismus, plus connu dans la langue de l’occupant sous le nom Al-Khwarizmi, est sans contestation possible le traducteur diophantien le plus connu de l’histoire des mathématiques. Non, il n’a pas inventé l’algèbre et encore moins les mathématiques. Il ne les a pas non plus transmises à l’Occident[1]. D’autres cas en maths de louanges non mérités • Le théorème de Fermat a été démontré par Andrew Wiles. Les lauriers ont été longtemps attribués à Fermat qui n’a fait qu’énoncer le théorème et affirmer qu’il avait trouvé la solution. Sans jamais l’apporter. Aujourd’hui le grand théorème de Fermat porte le nom de théorème de Fermat-Wiles. Demain, il portera le nom de théorème de Wiles. • Les chiffres indo-arabes qui sont en fait des chiffres indiens. Non contents d’avoir exterminé les indiens (génocide indien), les arabes musulmans leur ont également volé leurs chiffres. Demain, on parlera à nouveau de chiffre indiens et on rendra à César ce qui appartient à César. Ce que disent les textes historiques. Les travaux de Jens Hoyrup, professeur à l’université de Roskilde, nous informent qu’Algorismus (Al-Khwarizmi en franglarabe) n’a pas inventé la discipline et les techniques de calcul. Il n’a fait, selon lui « que produire une oeuvre de synthèse des disciplines et techniques des calculateurs pratiques » [2]. Il n’est donc pas le « père de l’algèbre » et encore moins des mathématiques (terme mythique) ; il n’a été qu’un étudiant autodidacte dont on a retrouvé les notes personnelles, traductions d’oeuvres grecques et hindoues, Brahmagupta et Diophante notamment, et qui a eu l’honnêteté d’avoir avoué ne pas être le concepteur (le « père » ou le « fondateur ») des techniques utilisées. Rosen, qui effectua la traduction anglaise d’Al-Gabr w’al muqabala nous informe que le calife a demandé à Algorismus d’effectuer les traductions et encouragé à rédiger un traité (Rosen : That he was not the inventor of the Art is now well established, Qu’il n’était pas l’inventeur de l’art (mathématique) est maintenant une chose bien établie), synthèse des oeuvres traduites[3] Selon Morris Kline, professeur émérite au Courant Institute of Mathematical Sciences (New York University), les Arabes n’utilisent pas le symbolisme. Leur algèbre est entièrement rhétorique et, avec tout le respect, un pas en arrière comparé aux Hindous et même à Diophante [4] (page 192). Selon lui, ils introduisirent même une régression en arithmétique. Car « même s’ils s’étaient familiarisés aux nombres négatifs et à leurs lois d’utilisation de par les tavaux des Hindous, ils les rejetèrent complètement [4]. Nicolas Bourbaki, groupe illustre de mathématiciens français, dans son chapitre consacré à l’évolution de l’algèbre ne parle des Arabes que pour évoquer les diffusions en Occident des méthodes et résultats des mathématiques grecques et hindoues [5] (page 70). Dans les chapitres consacrés à l’algèbre linéaire et à l’algèbre commutative [5] (pages 78-91), les Arabes ne sont pas cités. Dans celui consacré aux polynômes, Bourbaki rappelle que les Arabes ont continué les travaux des Hindous concernant l’extraction des racines carrées sans noter d’apport particulier important par rapport aux connaissances déjà existantes. On peut résumer cela en disant qu’il s’agit d’apports minimes dans la grande histoire des mathématiques. Dans « Encyclopedia of mathematics », la lecture de la rubrique « algèbre » est éloquente : L’arithmétique de Diophante (III eme siècle A.D.) a eu une influence majeure sur le développement des idées algébriques et des symboles (…) François Viète, à la fin du XVIeme siècle, fut le premier à utiliser les lettres de l’alphabet pour désigner les constantes et les variables d’un problème. La plupart des symboles d’aujourd’hui étaient connus dès le milieu du XVI eme siècle, qui marque la fin de la préhistoire de l’algèbre [6] (page 73) Morris Kline [10] prend énormément de temps dans son livre Mathematical Tought pour nous expliquer l’origine du mot algèbre, issu du latin algebra. Il nous explique que le mot algebra vient de l’espagnol « algebrista », signifiant médecin-barbier, qui lui-même provient d’al-gabr (mot du titre de l’ouvrage de traduction d’Algorismus). Il ne fait pas de doute qu’en insistant ainsi sur l’origine du mot, il invite le lecteur à se dire que le mot algebra provenant d’ »algebrista » était un hommage aux hommes qui sauvent et non un hommage à un simple traducteur. Réferences [1] Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel, Seuil, Collection L’Univers Historique, 2008. [2] Jens Hoyrup, « Algèbre d’Al-gabr » et « algèbre d’arpentage » au neuvième siècle islamique et la question de l’influence babylonnienne in D’Imhotep à Copernic, Cahiers d’Altaïr, pp 88-89, Peeters-Leuven, 1992 [3] Rosen, traduction anglaise d’Al-Gabr w’al muqabala, http://www.wilbourhall.org/pdfs/The_Algebra_of _Mohammed_Ben_Musa2.pdf [4] Morris Kline, Mathematical Thought From Ancient to Modern Times, Volume 1, Oxford University Press [5] Nicolas Bourbaki, Eléments d’histoire des mathématiques, Masson, 1994 [6] Reidel, Encyclopedia of mathematics, Volume 1, Kluwer Academic Publisher, 1998

Histoire des mathématiques (3) : la légende de la lapidation d'Hypathie

Examinons sous l’oeil de la critique historique l’information véhiculée par certains historiens, généralement maçons ou maçons sans tablier, qu’ Hypathie serait morte lapidée par une foule de chrétiens orthodoxes et aurait reçu sur la tête des coquilles d’huîtres. On connaît très bien le caractère destructeur mais aussi menteur et voleur des Shriners, qui existaient à l’époque. On connaît aussi le côté manipulateur des franc-maçons (Shriners ou non) qui se victimisent alors qu’ils sont les oppresseurs. On connaît aussi la propension des sociétés secrètes à plagier plutôt qu’innover. Les Romains ne laissaient jamais de tas de coquilles d’huîtres vides abandonnées comme détritus, cela c’est une façon «moderne» de faire. Les Romains consommaient les coquilles d’huîtres, après les avoir pilées, car ils leurs attribuaient des vertus aphrodisiaques. Donc que des citoyens trouvent abandonné en pleine rue un tas de coquilles d’huîtres est totalement impensable au regard des pratiques romaines, ignorées par ceux qui ont construit cette légende. Les chrétiens condamnent la lapidation, l’épisode de Jésus et de Marie-Madeleine leur rappelle justement l’iniquité et la barbarie de cette peine. Il est donc impossible que des chrétiens aient lapidé quelqu’un pour ses opinions, rappelons aussi le 5eme Commandement «Tu ne tueras point». La désinformation à des fins politiques C’est un épisode parmi d’autres de la désinformation des sectes maçonniques, le but étant de faire d’une mathématicienne de l’Antiquité une diva de la cause laïcarde. Le fait qu’elle ait défendu l’ancienne religion romaine face à la nouvelle lui a sans doute valu des ennuis au niveau académique (rappelons qu’elle enseignait à l’université romaine d’Alexandrie) mais sûrement pas une lapidation et encore moins une lapidation jusqu’à ce que mort s’en suive. Les auteurs d’un tel meurtre auraient été poursuivis par la justice romaine et nous en aurions retrouvé trace. Cela ne résiste pas à la critique historique, c’est donc bien une légende. Quant à l’idée véhiculée par quelques laïcards maçons, avec ou sans tablier, que ce serait des hommes d’armes au service du régime qui aurait commis ce forfait, elle est tout simplement le reflet de l’ignorance des pratiques alors en vigueur dans l’Antiquité. On ne se débarasse pas de quelqu’un de connu sans trouver de justification par le biais d’un procès, l’exemple du procès de Socrate, certes biaisé, est là pour nous rappeler les pratiques de l’époque [1]. Nous ne trouvons aucune trace d’un procès à son encontre. Certains historiens évoquent toutefois la mort d’Hypathie après une émeute à caractère religieux [2], mais ne font nullement mention d’une lapidation. Se trouvait-elle au mauvais moment au mauvais endroit? Règlement de compte? Crime crapuleux? Who knows.